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ANALYSE PHOTO : "DERRIÈRE LA GARE SAINT-LAZARE" - BRESSON
- Dec 31, 2019
- Gwenael Chareyre
- 1 Comment
CONTEXTE
Henri Cartier-Bresson est un photographe, photojournaliste et dessinateur français né le 22 août 1908 à Chanteloup-en-Brie et mort le 3 août 2004 à Montjustin. La photographie "Derrière la gare Saint-Lazare" a été réalisée en France, à Paris, en 1932, aux alentours de la gare Saint-Lazare, grâce à un appareil photo argentique. Elle mesure 49,8 x 35,1 cm. Henri Cartier-Bresson est reconnu pour être à l'origine du concept de l’"instant décisif". Il avait, en effet, souvent pour habitude de photographier des moments fugitifs, des images qui ne se reproduiraient jamais de la même manière s'il ne pressait pas le déclencheur au bon moment.
PHOTOGRAPHIE
CADRAGE
La photographie est cadrée verticalement (format "portrait"). Ce cadre a ici été utilisé car il convient particulièrement pour les images d'action. Il offre plus de dynamisme à la photographie. En visualisant cette photographie (verticalement cadrée), le regard est porté du haut vers le bas ; notre intérêt est donc rapidement focalisé sur l'individu en train de sauter au premier plan de l'image.
PROFONDEUR DE CHAMP
L'arrière-plan est relativement net. Henri Cartier-Bresson a donc dû travailler avec un diaphragme relativement fermé. À la vue du peu de lumière présente au moment de la scène, il a donc visiblement pris la photographie à une faible vitesse. De ce choix résulte le flou du personnage en train de sauter au premier plan. Le choix de cette forte profondeur de champ peut s'expliquer par le fait que l'arrière-plan est tout aussi significatif que le premier plan. Sa lisibilité peut permettre d'apprécier encore davantage la photographie. Par ailleurs, ici, l’arrière-plan, net, n'empêche pas la lecture de la photographie ; le sujet reste évident. Il sert ici à "supporter" le sujet.
PLANS
Nous sommes en présence d'un "plan de demi-ensemble". Il offre une parfaite visibilité de l'action qui se déroule mais aussi des éléments du décor qui l'entourent.
COULEURS
Cette photographie a été réalisée en noir et blanc. Ce choix résulte sans doute des habitudes du photographe Henri Cartier-Bresson. En effet, il estimait que la technique du noir et blanc permettait plus aisément de "saisir l'instant". À l'époque, les pellicules couleur étaient très contraignantes car elles avaient une faible sensibilité en raison du fait qu'elles étaient très lentes. Il était donc difficile de réaliser avec elles des instantanés au sein d'endroits peu ou mal éclairés. Par ailleurs, les pellicules couleur ne permettaient pas non plus de visualiser autant de nuances de valeurs que celles en "noir et blanc".
COMPOSITION INTERNE
LA RÈGLE DES TIERS
Cette photographie respecte totalement le "rectangle d'or". Il s'agit d'un rectangle dont le rapport entre sa longueur et sa largeur est égal au nombre d’or. Comme on peut le voir sur l'image, l'échelle ainsi que les pieds du personnage se situent au même niveau que l'une des lignes horizontales du rectangle. Parallèlement, la ligne d'horizon de l'arrière-plan se situe, elle aussi, au même niveau que l'une des lignes horizontales du rectangle.
LES LIGNES DIRECTRICES
Cette photographie comporte de nombreuses lignes verticales qui donnent une sensation de rigidité. Elles s'entrecroisent toutefois à des lignes horizontales et évoquent ainsi une sensation de calme. Toutes ces lignes donnent un rythme statique à l'image. Cependant, celui-ci est compensé par la présence de quelques lignes obliques provoquées par les toits des bâtiments à l'arrière-plan qui offrent plus de dynamisme à l'image. Un point de fuite dirigeant vers le hors-champ, à droite, à quelques pas de l'individu en train de courir, au premier plan, est créé par l'alignement des toits de l'arrière-plan et les quelques lignes directrices horizontales présentes sur la photographie.
LA LUMIÈRE
Sur cette photographie, la lumière est naturelle. Il semblerait que nous soyons en situation de contre-jour au vu de la présence d'ombres au niveau du sol inondé.
NETTETÉ
La mise au point semble avoir été faite au niveau du centre de la photographie.
ANGLE DE PRISE DE VUE
L'angle de prise de vue sur cette photographie est neutre. Elle a été prise à hauteur d’œil.
ÉLÉMENTS DE DÉNOTATION
Nous pouvons voir, à droite, au premier plan de cette photographie, dans un élan de course, un homme en apesanteur qui tente de franchir un sol inondé. À sa gauche figure une échelle posée au sol alignée à sa direction (échelle sur laquelle il semble d'ailleurs avoir pris appui pour amorcer son saut). Le talon du pied droit de l'homme effleure l'étendue d'eau sans toutefois la toucher. Au sein de ce premier plan, il est aussi possible de distinguer des gravats ainsi que quatre arceaux métalliques posés au sol, à quelques mètres de l'échelle.
Nous pouvons aussi voir, au deuxième plan de la photographie, un mur (ou une palissade) ainsi qu'une grille séparant la chaussée de la gare. Un deuxième homme, statique, se trouve sur la chaussée. Il semble observer l'homme en train de sauter au premier plan. Un tas de cailloux jonchent le sol inondé. Il est également possible d'observer ce qui semble être une brouette sur la chaussée. Sur le mur, deux affiches juxtaposées latéralement montrent une silhouette de gymnaste (ou de danseuse) en train de sauter. À gauche de celles-ci sont aussi collées, l'une au-dessus de l'autre, deux affiches sur lesquelles est écrit le mot "RAILOWSKY".
À l'arrière-plan, des toits de bâtiments se découpent du ciel gris, nuageux. On peut distinguer, à gauche, l’horloge de la gare.
La photographie, probablement prise en situation de contre-jour, ne nous permet pas de visualiser clairement les hommes présents sur la scène. Ils sont assombris. En effet, on ne distingue que leur silhouette. Il est toutefois possible de voir que l'homme au premier plan porte un chapeau et des bottines.
Il y a de très forts contrastes sur cette image. Alors que l'ensemble de la photographie est sombre, le sol inondé est, quant à lui, d'une blancheur éclatante. L'eau, qui occupe quasiment la moitié du champ, est limpide (aucune onde d'impact). Elle reflète, selon une symétrie horizontale, tous les éléments présents lors de la scène. Nous pouvons donc voir, en son sein, les ombres des deux hommes, du mur et de ses affiches, du grillage et de la brouette.
ÉLÉMENTS DE CONNOTATION
Les vêtements qu'arbore l'homme au premier plan laissent à penser qu'il appartient à une classe modeste. Il doit probablement être en train de sauter car il ne souhaite pas mouiller ces derniers. Par ailleurs, il est peut-être pressé car il va rater son train. La présence d'un ciel gris, du grillage, de la boue, des cailloux, de l'échelle et de la brouette donne à la photographie une atmosphère triste, maussade. L'endroit semble être en travaux. Le grillage qui est, qui plus est, reflété par le sol inondé, renvoie à l'image carcérale. L'homme statique, au deuxième plan, paraît donc "enfermé" sur cette photographie alors que l'homme au premier plan, en train de sauter, se dirigeant vers le hors-cadre, semble prendre sa liberté.
Sur cette photographie tous les éléments sont présents en double : deux affiches montrant la silhouette d'une gymnaste, deux affiches portant le texte "RAILOWSKY", deux hommes (l'un statique, l'autre en mouvement). Par ailleurs tous ces éléments sont dédoublés grâce aux ombres que reflète le sol inondé.
La silhouette de la gymnaste présente sur les affiches est semblable à celle de l'homme en train de sauter au premier plan. Toutes les deux réalisent le même mouvement (bien que celui de la gymnaste soit gracieux alors que celui de l'homme l'est beaucoup moins). Il y a donc encore ici un dédoublement du mouvement. Celui-ci se fait encore selon une certaine symétrie (verticale). Le mouvement de la gymnaste est orienté dans le sens inverse de celui de l'homme.
D'après mes recherches, "RAILOWSKY" était le nom d'un cirque. Je ne sais pas si cela était intentionnel, mais le terme "rail" en anglais signifie "voie ferrée". Ceci me semble donc ironique puisque ces affiches sont présentes à quelques pas d'une gare. L'échelle sur laquelle semble s'être appuyé l'homme pour amorcer son saut est d'ailleurs comparable à une voie ferrée. Nous pouvons ici comparer la scène de la photographie à une forme de cirque urbain.
Les couleurs prédominantes de cette photographie sont le blanc et le noir. Dans les pays occidentaux, le noir fait surtout référence à la tristesse et au lugubre. En revanche, le blanc est souvent associé à la spiritualité. Le sol inondé blanchâtre est en opposition totale avec la noirceur des autres éléments de la photographie. L'eau me paraît donc ici refléter un monde parallèle, magique, en contradiction avec le monde réel banal, morose à sa surface. Sur cette photographie, l'emploi du noir et du blanc permet donc, d'une certaine manière, de retranscrire l’atmosphère du lieu et d'accentuer son aspect poétique et sa puissance émotionnelle.
Henri-Cartier Bresson a encore une fois pris la photographie à un "instant décisif". En effet, s'il avait pressé le déclencheur un instant plus tard, l'homme aurait touché le sol inondé et les traces de son impact n'auraient pas permis d'apercevoir les ombres en son sein. Par l'intermédiaire de cette photographie il a pu arrêter le temps. Il a ainsi fixé sur un support, pour l'éternité, cette scène urbaine. La présence de l'horloge en arrière-plan fait d'ailleurs écho à mes propos en rappelant la notion de temps.
AVIS
Cette photographie me paraît intéressante de par son approche du thème des "doubles" mais aussi de par sa technique et son esthétique. De plus, elle est captivante car la compréhension de son intérêt nécessite une mûre analyse de chacun des détails présents dans la scène. Enfin, la capacité qu’a Henri Cartier-Bresson pour saisir un tel "instant décisif" est totalement extraordinaire.
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