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ANALYSE DE MR ROBOT : NOTRE COUP DE CŒUR SÉRIE
- Jul 08, 2019
- Gwenael Chareyre
- 0 Comment(s)
DIFFUSION ET AUDIENCES
Mr. Robot est une série télévisée américaine créée par Sam Esmail et diffusée pour la première fois en juin 2015 sur USA Network. Il aura fallu attendre un an de plus pour qu'elle soit finalement diffusée en France sur la chaîne de télévision France 2. En ce qui concerne les audiences, la première saison a réuni, en moyenne, 1 390 000 téléspectateurs par épisode aux USA.
SYNOPSIS
Elliot Alderson est un jeune programmeur new-yorkais travaillant comme technicien en sécurité informatique pour la société Allsafe Security. Entre trouble dissociatif de la personnalité, dépression, paranoïa et illusions, cet anti-héros asocial passe tout son temps libre à observer le monde depuis son laptop et à pirater les comptes de ses proches. Mais ce n'est pas tout, il lui arrive aussi d'agir comme un cyber-justicier en traquant les criminels pour les livrer à la police. Toutes les données qu'il pirate sont ensuite stockées sur des CD qu'il cache secrètement dans un album. Mais un jour, sa petite routine se retrouve chamboulée lorsqu'il rencontre "Mr Robot", un mystérieux anarchiste, qui désire le recruter dans son groupe de hackers connu sous le nom de "Fsociety". Leur objectif ? Rétablir l'équilibre de la société en détruisant les infrastructures des plus grosses compagnies bancaires et entreprises mondiales. Parmi celles-ci figure notamment le conglomérat E. Corp qui a causé la mort du père d'Elliot. Cependant un problème se pose alors : elle fait partie des entreprises qu'il doit normalement protéger au travail.
GENRE ET CASTING
Mr Robot pourrait être assimilée à une série dramatique et à un thriller psychologique. En ce qui concerne son casting, il est tout bonnement exceptionnel ! Parmi les acteurs principaux de cette série on peut par exemple citer :
- Christian Slater
- Portia Doubleday
- Carly Chaikin
- Rami Malek (qui incarne Elliot)
- B. D. Wong
- Bobby Cannavale
- Grace Gummer
- Stephanie Corneliussen
SÉRIES ET FILMS DANS LE MÊME UNIVERS
Mr. Robot puise son inspiration dans plusieurs séries / œuvres cinématographiques. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elles sont nombreuses ! Mais Sam Esmail lui-même ne s'en cache pas. Il s'agit bien là d'hommages et non de copies conformes. Corrigez moi si je me trompe, mais je pense que la série présente des similitudes avec :
1 - LA SÉRIE "DEXTER"
À l'image de Dexter Morgan, Elliot est lui aussi un anti-héros justicier au comportement asocial. Il lutte pour s'intégrer et ne comprend pas toujours les normes de la société. Ou du moins, il les rejette. Par ailleurs, ces deux séries sont racontées au travers du point de vue interne du personnage principal. Dexter et Elliot s'adressent aux spectateurs comme s'ils étaient leurs confidents, leurs passagers noirs. Leurs pensées sont accompagnées de manière fluide; leur mal-être est exprimé par l’intermédiaire d’une voix off déshumanisée. Cependant, contrairement à Dexter Morgan qui semblait dépourvu de toute émotion en début de série, Eliott, paranoïaque, éprouve bien souvent de la peur, du stress et de la tristesse qu’il tente de noyer dans la drogue. Mais ces deux personnages partagent encore bien d'autres similitudes. Par exemple, ils collectent chacun des données de leurs "victimes" et les conservent secrètement en guise de trophées. Ils opèrent en secret et, bien qu'en soif de justice, essaient de se conformer à des règles qu'ils se sont eux-mêmes fixées. Enfin, ces deux surdoués partagent aussi la similitude d'être de véritables experts dans leur domaine.
2 - LE FILM "FIGHT CLUB"
Bon là c'est plus que flagrant ! À l'image de son narrateur, Elliot souffre lui aussi d'un dédoublement de la personnalité. Anticonformiste, anticapitaliste, névrosé, ils essaient tous deux d'affronter l’hostilité de notre société moderne et souhaitent déclencher la plus grande redistribution de richesse jamais vue dans l'histoire. Par ailleurs, tout comme le personnage principal de Fight Club, Elliot prend lui aussi très peu de plaisir dans son emploi et dans sa vie en général. Alors que le narrateur du film crée un groupe de combats clandestins, Elliot, lui, rejoint un groupe de pirates informatiques. Mais la finalité est la même : essayer d'évacuer son mal-être. Enfin, on peut aussi rajouter que, pour clore l'épisode 9 de la saison 1, Mr. Robot utilise une reprise au piano du morceau des Pixies ("Where Is My Mind") qui était aussi utilisé lors d'une scène mythique de Fight Club
3 - LE FILM "V POUR VENDETTA"
Le masque que porte régulièrement Mr. Robot dans ses revendications filmées rappelle directement celui des Anonymous, lui-même emprunté au film V pour Vendetta. Par ailleurs, les deux œuvres partagent des mêmes idées : la rébellion, le renversement de l’ordre établi, la présence d'un groupe d'anonymes agissant dans l'ombre
4 - LE FILM "MATRIX"
Bon là c'est peut-être tiré par les cheveux mais je vois personnellement un clin d’œil à Matrix au moment où Mr Robot explique à Elliot qu’il sait que quelque chose ne tourne pas rond et qu’il peut l’aider à le comprendre. Un léger écho à une scène similaire partagée entre Néo et Morphéus. De plus, le nom de famille d'Elliot, à savoir "Alderson", rappelle étrangement celui de Néo : "Anderson". Enfin, je perçois dans ces deux œuvres audio-visuelles un certain rappel à l'allégorie de la caverne de Platon
5 - LE FILM "IMITATION GAME"
Il s'agit plus là d'une référence que d'une source d'inspiration à proprement parler mais c'est quand même cool de le mentionner. Dans l'épisode 4 de la saison 1 de Mr Robot; alors que Fernando discute avec son avocate et son frère à propos des noms de code filés à Vera, son avocate lui rétorque : "Les gars, ce n’est pas Imitation Game". Elle fait donc ici directement référence à ce film qui vante l'intelligence d'Alan Turing, parvenu à briser le chiffrement des messages envoyés via Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale
6 - LE FILM "AMERICAN PSYCHO"
Ces deux œuvres nous présentent une vision satirique du monde de l’entreprise. Le personnage de Tyrell Wellick n'est pas non plus sans rappeler celui de Patrick Bateman : manipulateur, insolent, hypocrite, égocentrique, antipathique, violent, perverti par le capitalisme .. De plus, ils aiment tous les deux le même style musical : la pop sucrée des années 80. Nous pouvons aussi noter des similitudes au niveau de l'esthétique employée pour représenter le milieu des affaires : dans le cadrage, le découpage, les mouvements de la caméra, etc ..
7 - LE FILM "TAXI DRIVER"
Travis Bickle et Elliot partagent la même solitude mais aussi une certaine tendance au "craquage" psychologique. Les spectateurs sont invités à entrer dans leur tête. En effet, Taxi Driver et Mr Robot utilisent tous deux la voix-off pour inviter le public à participer à l'ensemble du récit. Elle constitue le seul moyen qui permet d'établir une relation intime avec ces personnages névrosés
8 - TOUTE L'OEUVRE DE STANLEY KUBRICK
Sam Esmail fait par exemple un clin d'oeil à "Lolita" avec les lunettes de Darlene qui ressemblent étrangement à celles de l'héroïne du film ou encore au "Docteur Folamour" dans le final. On peut aussi retrouver un peu de "Eyes Wide Shut" au travers des masques utilisés par la FSociety. Mais s’il fallait choisir un film qui se rapproche vraiment de la série, ce serait sans doute "Orange mécanique" pour son ironie acerbe ou encore le nihilisme des propos tenus. Par ailleurs, à la manière de Kubrick dans "Shining", Sam Esmail a multiplié les plans larges à partir du deuxième épisode de la saison 1, donnant lieu à une réaction émotionnelle troublante
9 - LE FILM "VANILLA SKY"
À l'image de Davis Aames, interprété par Tom Cruise, Elliot oscille entre rêve et réalité. Il devient alors difficile de démêler le vrai du faux, l'illusion de la vérité. Par ailleurs, le film et la série ont un autre point commun : une scène tournée à New-York où leur héros déambule au sein d'un Times Square totalement désert
10 - LE FILM "REQUIEM FOR A DREAM"
Il semble que Sam Esmail se soit inspiré de ce film sur les ravages de la drogue pour tourner les scènes où Elliot se tape des hallucinations suite à sa consommation excessive
11 - LE FILM "UN JOUR SANS FIN"
Durant la saison 2, Elliot tente de se débarrasser de Mr Robot en s'engageant à suivre un planning quotidien. Cependant, toutes ses journées finissent par se ressembler de bout en bout. Un petit écho au pauvre Bill Murray dans "Un Jour Sans Fin"
ANALYSE SOCIOLOGIQUE
On peut voir au travers de la série une satire mordante de notre société. Mr Robot se concentre notamment sur l’impact des nouvelles technologies (et particulièrement des réseaux sociaux) sur notre quotidien. Elle nous dépeint un monde rempli de souffrances / d’inégalités et fait une critique des grandes entreprises comme E.Corp qu'Elliot surnomme d'ailleurs Evil Corp. Nous pouvons voir tout le mépris qu'Elliot ressent envers la société lors de ses rendez-vous chez la thérapeute : "Steve Jobs s'est fait des millions sur le dos d'enfants", "les réseaux sociaux nous volent notre intimité". "Si nous consommons tant c'est pour être sous sédatif, pour ne pas voir les véritables problèmes de ce monde; parce que c'est douloureux de ne pas faire semblant, parce qu'on est des lâches". Elliot exprime ici la perte de contrôle sur nos vies. Il dénonce la bêtise humaine dans ce qu'elle a de plus drôle et terrifiante. Les gens, forts manipulables, agissent aujourd'hui en troupeau de Panurge et refusent de faire face à la laideur du monde par faiblesse d'esprit. Asservis et prisonniers de la caverne de Platon, ils refusent d'être libérés. Mais leur aveuglement, qu'il soit volontaire ou subi, n'est rien d'autre que le résultat d'un effort d'adaptation. Mr Robot nous montre que la mondialisation rend vaine toute tentative de révolution car elle met en berne nos idéaux.
ANALYSE TECHNOLOGIQUE
Le héros n'est pas qu'un simple geek utilisant des logiciels pré-faits pour le piratage informatique. Non, il agit comme un véritable expert du domaine. Par exemple, Elliot utilise certains protocoles pour cacher ses photos de famille dans des fichiers audio ou encore pour assurer le secret de ses courriels par un chiffrement de bout en bout. Ses lignes de codes nous sont sans cesse montrées à l'écran. La série utilise à chaque fois des connaissances suffisantes pour en mettre plein la vue à ceux qui n'y connaissent rien, mais aussi pour crédibiliser l'ensemble face aux vrais professionnels. On a une vision d'un monde numérique où aucune de nos données n'est réellement anonyme. Cette série nous montre à la fois les dangers et la puissance des nouvelles technologies. Elle nous présente des gens qui vivent dans un monde virtuel qui les dépasse.
ANALYSE PSYCHOLOGIQUE
Elliot souffre d’un trouble dissociatif de l'identité qui, conjugué à son addiction à la morphine, est à l’origine de ses hallucinations et de sa paranoïa. Il utilise régulièrement de la morphine tout en prenant du suboxone, un médicament de sevrage, afin d’éviter de devenir un toxicomane. Malheureusement, il perd souvent le dessus sur sa consommation. Toutes les scènes où Eliott consomme de la drogue sont très peu éclairées. Les couleurs y sont froides et ternes. Elles ont d'ailleurs toutes lieu en huis-clos, dans son appartement. Ce qui met d'autant plus en exergue la solitude qui pousse Eliott à consommer de telles substances. Par ailleurs, la bande son employée tout au long de la série est intense, sombre, hypnotique. Le jeu de lumière ainsi que la musique sont en adéquation parfaite avec les méandres psychologiques du personnage. Mais, à partir de la saison 3, il devient également possible de suivre l'évolution de la démence post-traumatique d'Angela.
ANALYSE ÉCONOMIQUE
Au travers des réflexions en voix-off d'Eliott et des discours de Mr Robot, on voit une vision d'un système de prêt bancaire corrompu qui cherche plus à maintenir les gens dans l’endettement qu’à booster l’économie. Nous sommes ici face à un capitalisme qui s’est perverti pour ne finir par profiter qu’aux "mauvaises personnes". L’argent est un agent contrôleur qui modèle les vies de tous et qui, aujourd'hui, n’a plus aucune matérialité. On peut aussi voir le mépris de cette série pour les grands groupes financiers par le fait que Sam Esmail s'est inspiré du logo de l’entreprise Enron, qui est à l’origine d’un énorme scandale financier en 2001, pour créer celui d’E. Corp. Par ailleurs, dans la série, notre anti-héros arbore presque chaque jour les mêmes vêtements (jean et sweat noir à capuche) dans un appartement quasiment vide. Tous les biens de consommation et tout ce qui a, dans un sens général, attrait à l'argent, n'intéresse pas Elliot. Il n'a que soif de justice.
ANALYSE POLITIQUE
Mr Robot offre une vision satirique du monde de l'entreprise. Elle utilise une esthétique particulière pour représenter le milieu des affaires : un mobilier épuré design, des lumières et couleurs blanches / gris-vertes renvoyant l'image d'un milieu froid et sans sentiments. Les employés cherchent par tous les moyens à obtenir toujours plus de pouvoir afin d'asseoir les gens à leurs désirs. La série dépeint un milieu hypocrite. On le voit notamment dans la série par l'attitude de Tyrell Wellick, vice président senior chargé de la technologie à E Corp. En effet, ce dernier cherche par tous les moyens à obtenir un poste de directeur technique vacant. Il séduit par exemple le secrétaire de son patron afin de pouvoir installer un rootkit sur son smartphone et découvrir qui sera nommé au poste. Tyrell Wellick est donc un homme qui mène une course au pouvoir durant toute la série et qui accomplit des actes inhumains pour arriver à ses fins. Dans Mr Robot, tout n'est qu'illusion. Les gens haut placés n'agissent que par intérêts avec un pragmatique sens du pouvoir.
CONCLUSION
Bon .. Je crois que vous l'avez déjà compris mais ce qui va sans dire va encore mieux en le disant : Mr Robot est devenue l'une de mes séries préférées. Je suis particulièrement séduit par la photographie employée et les talents d'acteur de Rami Malek, Portia Doubleday et Martin Wallström. Chaque épisode est rythmé par de brusques changements de direction. Il devient difficile de découvrir par avance les changements prévus malgré tous les indices parsemés. Et c'est là que repose tout son charme. Nous sommes face à un simili de réseau informatique : le récit se faufile en permanence par un chemin qui n’était pas envisagé au premier abord. Il existe toujours une issue et il suffit de la trouver. Le jeu de lumière et la BO donnent à cette série une ambiance sombre, hypnotique, captivante et surtout très atypique. Le scénario est extrêmement bien ficelé et réaliste / documenté en matière de piratage informatique. Par ailleurs, le hacking est un thème très peu abordé au cinéma ou dans les séries tv; ce qui rend donc celle-ci d'autant plus captivante. Mr Robot fait une critique acerbe de la société de consommation et montre un mépris envers les dirigeants des grands conglomérats. Elle nous présente une vision satirique du monde de l'entreprise et revêt un ton clairement anticapitaliste. Enfin, elle dépeint les dangers des nouvelles technologies et nous illustre les effets de la drogue : les raisons qui peuvent pousser des gens à en consommer et la difficulté à se sortir de son addiction.
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